La vente illicite de médicaments sur internet représente une menace grandissante pour la santé publique en Algérie. Médicaments contrefaits, sans contrôle qualité ni suivi médical, ces circuits clandestins exposent les patients à des risques multiples.

Sur la toile, les réseaux sociaux et diverses plateformes en ligne, la vente sauvage de produits pharmaceutiques fait florès depuis quelques années. Influeuceuse beauté, charlatan illuminé ou simple quidam voulant commercer, nombreux sont ceux qui s’improvisent pharmaciens de nos jours. Face à l’ampleur du phénomène, l’Agence Nationale des Produits Pharmaceutiques vient d’émettre une mise en garde à l’intention des pharmaciens directeurs techniques et plus largement du grand public. Dans une note publiée le 29 mai, elle rappelle l’illégalité de toute transaction commerciale en ligne portant sur des médicaments et met à la disposition des professionnels un lien pour signaler ces activités répréhensibles.

Risques avérés

Se procurer des médicaments sur internet, c’est courir le risque de tomber sur des produits malfaits ou, pire encore, contrefaits. Fabriqués illégalement, sans aucun contrôle qualité ni respect des bonnes pratiques de fabrication, ces faux médicaments peuvent ne contenir aucune substance active ou en présenter des dosages largement erronés. Leur consommation expose à des effets secondaires potentiellement mortels, d’autant que ces contrefaçons utilisent souvent des matières premières de mauvaise qualité, voire toxiques.

Au-delà de la contrefaçon et de la malfaçon, l’absence totale d’accompagnement médical lors d’achats en ligne fait également peser sur le patient un danger certain. Automédication inconsidérée, interactions médicamenteuses dangereuses, erreurs de dosage en l’absence de conseil d’un professionnel de santé qualifié… Les conséquences peuvent être désastreuses pour la santé des patients. Le fait d’acquérir des traitements inadaptés à leur état, à leur métabolisme ou incompatibles avec d’autres suivis en cours peut gravement compromettre leur état de santé.

Les conditions de stockage et d’acheminement non contrôlées de ces produits sensibles constituent une autre menace. De nombreux médicaments requièrent des conditions particulières de température, d’humidité, de luminosité pour conserver leur intégrité, leur efficacité et leur innocuité. Exposés à des ruptures de la chaîne du froid ou du chaud, ils peuvent se dégrader et devenir inefficaces, voire toxiques.

Cadre réglementaire

Afin de faire face à ces multiples dangers pour la santé, de nombreux pays ont adopté une réglementation très stricte concernant la vente en ligne de produits pharmaceutiques. L’Algérie n’est pas en reste. La loi n° 18-05 relative au commerce électronique, proscrit formellement « toute transaction par voie de communications électroniques portant sur les produits pharmaceutiques » (art 3), y compris pour les opérateurs autorisés dans les circuits traditionnels (c’est-à-dire pour les pharmaciens).

La loi relative à la santé de 2018 précise qu’ « est assimilé à un exercice illégal de la profession de santé, tout débit, stockage, entreposage, étalage ou dispensation de médicaments sur la voie publique ou dans d’autres lieux non autorisés par le ministre chargé de la santé« .

Très souvent les vendeurs de médicaments en ligne, n’étant pas titulaires du diplôme de pharmacien, cumulent les deux infractions : Celle de la vente de produits pharmaceutiques sur internet et de l’exercice illégal de la pharmacie. Les peines prévues par le code pénal vont de 3 mois à 2 ans d’emprisonnement et d’une amende de 20 000 à 100 000 DA (art 243) dans le cas de l’exercice illégal d’une profession de santé. Pour la mise en vente ou la vente par voie électronique de produits pharmaceutiques, une amende de 200 000 à 1 000 000 DA est prévue par la loi sur le commerce électronique.

Le médicament, une affaire de pharmaciens

Le pharmacien est le seul professionnel de santé habilité à dispenser des médicaments au public. En Algérie, la loi est on ne peut plus claire sur ce monopole accordé au pharmacien. Cette exclusivité le place comme véritable garde-fou de l’accès aux substances thérapeutiques.

Selon la loi relative à la santé de 2018, « la pharmacie d’officine est l’établissement affecté à la dispensation au détail des produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux […] Le pharmacien est l’unique propriétaire et gestionnaire du fonds de commerce de la pharmacie d’officine dont il est titulaire » (art 249). Un cadre légal strict qui rappelle l’importance de baliser un marché dont le contrôle constitue un enjeu de santé publique.

Le pharmacien est le seul professionnel de santé ayant une vision complète de la chaîne du médicament, de sa conception à son usage.  Au-delà de la simple délivrance, la mission des pharmaciens s’étend à un rôle primordial de conseil. Leur devoir est d’expliquer les bons usages, les précautions d’emploi ou encore les éventuelles interactions médicamenteuses à leurs patients. Un accompagnement indispensable face à des traitements qui, mal utilisés, peuvent représenter des dangers.

Conclusion

Il est essentiel de sensibiliser à l’importance de lutter contre la vente illicite de médicaments en ligne. En effet, bien que le cadre réglementaire soit en place, son efficacité dépend largement de l’implication de tous les acteurs concernés. Les autorités doivent œuvrer à sensibiliser les professionnels de santé ainsi que les citoyens sur les risques associés à l’achat de médicaments sur internet.

En facilitant l’accès aux canaux de signalement et en encourageant la participation active de chacun, les autorités pourront non seulement identifier plus rapidement les activités délictueuses, mais aussi engager des actions en justice à l’encontre leurs auteurs. La sensibilisation doit mettre en lumière les dangers pour la santé publique que représentent ces pratiques néfastes, et souligner la dimension citoyenne de contribuer à sa dénonciation.


Références :

  1. Loi n° 18-11 du 2 juillet 2018 relative à la santé
  2. Loi n° 18-05 du10 mai 2018 relative au commerce électronique
  3. Code pénal (art 234)
  4. Note 97 relative à l’interdiction de la commercialisation des produits pharmaceutiques par voie électronique

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